La forme primitive du nom du village était
Bia venant du latin Via signifiant route. Bio devait se trouver au carrefour
de routes très empruntées pour l’époque ce qui aurait
favorisé, d’une part le développement du commerce (un marché
aux bœufs s'y tenait régulièrement) et d’autre part les invasions
des grandes compagnies. Les grandes compagnies étaient constituées
de mercenaires appelés également routiers, à la solde
du roi de France ou du roi d’Angleterre. Plus bandits que soldats, ils
aidaient l’armée régulière à vaincre l’ennemi
en pillant les villages ou en attaquant les châteaux et forteresses.
Leurs services furent très prisés par les couronnes de France
et d’Angleterre durant la guerre de Cent Ans. Avides d’argent, ils mettaient
les campagnes à feu et à sang et terrorisaient les villes
et villages. C’est pourquoi, les habitants de Bio comme ceux de Lavernhe
(aujourd’hui Lavergne) sont cités parmi les confédérés
qui conclurent à Rocamadour le traité d’alliance défensive
contre ces routiers. Le château de Palaret, qui garde encore tout
son mystère, était une forteresse dont le nom revient souvent
dans l’histoire du Quercy au temps de la guerre de Cent Ans. Il fut pris,
perdu et repris et cela plusieurs fois par les divers partis, surtout
par les grandes compagnies. Il fut probablement détruit par certains
de ces brigands. Il ne reste du château que l’emplacement, quelques
soubassements et un puits très profond.
La seigneurie
Au 13ème siècle, la seigneurie de Bio et Palaret appartient à la famille de Thémines. En
1244, Gilbert de Thémines rend hommage au roi pour son château
de Palaret et pour ses forteresses de Bio et d’Albiac. Quand la famille
de Thémines s’éteint, la seigneurie, par retrait fiscal,
passe aux Turenne d’Aynac. Annet de Turenne d’Aynac, beau-frère
et lieutenant de Galiot de Génouillac, maître de l’artillerie
du roi, est fait prisonnier avec François Ier à Pavie en
1525. Pour payer sa rançon, il est obligé de vendre ses terres
et seigneuries de Bio et Palaret à Pierre de Lagarde, seigneur de
Saignes. Sa famille les conservera jusqu’à la Révolution.
On lit dans la vie d’Adhémar de Felyns mort en 1311 un récit
étrange : « Dame d’Orlhac (il existe aujourd’hui un mas d’Orliac
à Bio), de sainte mémoire, baronne de grande noblesse et
de grande piété a raconté que son fils unique Astorg
à la suite d’une grave maladie, avait rendu le dernier soupir. C’était
au château de Palaret. Déjà on avait gardé le
cadavre toute une nuit quand, par hasard, au matin, arriva le seigneur
Adhémar. Il trouva la mère au désespoir et toute la
maison en deuil. Au spectacle, il ne put retenir ses larmes. Il se mit
à prier puis, faisant découvrir le visage voilé de
l’enfant, il fit le signe de croix, imposa les mains sur le petit cadavre
et aussitôt, le mort fit un mouvement et revint à la vie.
Astorg régna sur Bio et Palaret pendant plus de 40 ans ».
La vie d’Adhémar de Felyns que nous venons d’évoquer, renferme
le récit de trois autres guérisons miraculeuses arrivées
le même jour au château de Claviers (au village de Lissac),
par l’intercession de ce religieux. En 1354 le miraculé Astorg d’Orlhac
vend ses droits sur le château et la châtellenie de Palaret
à noble Bertrand de Claviers de Lavernhe, damoiseau. Plusieurs grandes
familles ou institutions possédaient des biens à Bio. Le
monastère des Fieux et l’hôpital de Beaulieu y reçurent
des rentes (100 setiers* de froment, mesure de Gramat). La famille du Faure
de Prouillac y possédait le fief de Lascombe, revenu à la
paroisse à partir du 17ème siècle.
La paroisse
La paroisse de Bio apparaît une première
fois dans un acte de 1253 où est mentionné le mas de Fourgousse.
On trouve ensuite en 1320, parmi les juges de Gramat, un certain Bertrand
de Bio, chevalier. Une bulle du 30 janvier 1352 nous apprend que l’église
de Bio comme celle d’Albiac faisait partie de la collation épiscopale.
Afin de pallier les baisses de revenus de l’abbaye de Leyme survenues à
la suite des ravages de la guerre de Cent Ans et de la terrible épidémie
de peste* qui frappa le pays de 1347 à 1349, l’évêque
de Cahors décide en 1375 d’unir la paroisse de Bio à la mense*
de l’abbaye de Leyme. Le pape Clément VII (élu grâce
à la protection de Bertrand de la Salle*) décide en 1388
d’accorder à l’abbaye le droit de nomination à la cure de
Saint Hilaire de Bio. Le capitulaire du chapitre de Cahors nous apprend
que 20 ans plus tard, en 1408, l’évêque Guillaume IV d’Arpagon
unit la paroisse d’Autoire à celle de Bio. Celle-ci sera unie de
façon définitive à celle d’Albiac jusqu’à la Révolution. La liste des curés de Bio depuis 1375 n’apporterait
rien d’intéressant à l’historique de Bio. Citons cependant trois ecclésiastiques dont les noms ont marqué
la vie du village.
Jean Ganety, recteur de Bio, docteur en théologie,
requiert en 1724 une maison presbytérale à Bio avec toutes
les nécessités, conformément aux arrêts du roi,
tant pour lui que pour son vicaire. On décide alors de lever une
taille* spéciale à cet effet pendant deux ans. A l’époque,
comme dans la plupart des communautés, c’étaient les consuls
qui étaient chargés de collecter l’impôt. Bio en possédait
deux. L’un des deux consuls s’oppose à l’établissement du
presbytère. Cédant aux diverses pressions, il revient sur
sa décision et le 6 septembre 1724, le syndic achète une
maison à deux chambres avec galerie, cave, grenier, écurie
et cuisine moyennant la somme de 650 livres payables en deux ans (à
titre de comparaison, la taille à Bio en 1710 s’élevait à
2758 livres dont 1747 versées directement au roi).
Guillaume Morbot
devient curé de Bio en 1780. Dès 1790, ce prêtre réfractaire
rejette les idées de la Révolution et refuse le serment à
la constitution* votée peu avant par la toute jeune assemblée
nationale appelée pour l’occasion assemblée constituante.
Comme de nombreux prêtres de l’époque, il décide d’émigrer
en Suisse afin d’échapper au tourbillon révolutionnaire.
Il ne reviendra à Bio que bien des années plus tard, après
la révolution.
Marcel Moulènes nommé en 1936 fut le
dernier curé de Bio. Il y restera jusqu’à sa mort en octobre
1984. La paroisse est depuis rattachée à celle de Gramat.
* Le setier : anciene mesure française de capacité pour les grains ou les liquides qui variait d’une région à l’autre.
* La peste noire : l’occident avait déjà connu la peste. Mais celle des années 1347-1349 prit des formes et une ampleur jamais vues. En trois ans, on estime que l’Europe perdit un tiers de sa population. Apparue à Marseille à la fin de l’automne 1347, la peste ravagea rapidement le Languedoc puis s’étendit sur toute la France. A Paris, il mourait 800 personnes par jour.
* La mense: revenu ecclésiastique.
* Bertrand de la Salle : En 1378, Bertrand de la Salle, capitaine d’une bande des grandes compagnies à la solde des anglais, abandonne le fort d’Autoire dont il s’était emparé en 1369 et part à la tête de ses troupes pour l’Italie où nous le retrouvons quelques temps après protégeant les cardinaux français réunis à Fondi pour élire un antipape, Robert de Genève qui prit le nom de Clément VII. En passant près de Rome pour se rendre de Viterbe à Agnani, puis à Fondi, il massacra 500 Romains qui voulaient lui disputer le passage d’un pont (triste exemple de la cruauté des routiers). C’était le cardinal Robert de Genève qui l’avait appelé en Italie pour combattre les Florentins. Voilà comment cet ancien paroissien de l’église d’Autoire prit une part considérable dans le grand schisme d’Occident.
* La taille: impôt seigneurial que les roturiers payaient au seigneur sous l’Ancien Régime.
* Constitution civile du 12 juillet 1790 :
Après avoir mis à la disposition de la nation l’énorme
masse des biens du clergé, l’état se donna pour charge de
pourvoir aux frais du culte et à l’entretien des ecclésiastiques.
Il sembla donc nécessaire de réorganiser l’église
de France. Après de houleuses discussions à l’assemblée,
la constitution civile du clergé fut votée le 12 juillet.
Elle ramena le nombre d’évêchés de 134 à 83
en les groupant en 10 métropoles et imposa aux évêques
et aux curés d’être élus par les assemblées
de département ou de district sans que confirmation fût demandée
au pape. Devant les réticences de la papauté, l’assemblée
exigea des évêques, curés et vicaires de prêter
serment à la constitution nouvelle. La moitié des prêtres
prêta serment (on les appela les assermentés, les autres étant
les réfractaires).